Avant de partir, longue conversation avec Dieudonné, 58 ans, qui m’avoue faire des crises de palu sévères. Il a nettoyé la voiture de fond en comble, adorable !
Je lui parle d’Artemisia. Bernard, le garde s’en mêle. Ils vérifient sur Internet…
Je tâche d’être convaincant
Garde ton sérieux Bernard !
Emmanuel, le jardinier vient donner son avis…
Je résume : Dieudonné préfère que je lui donne une poignée de stylos plutôt que de guérir son palu !
Anne-Marie, y a du boulot !
Puis la route jusqu’à la frontière Ghanéenne, parsemée de stations-service de renommée internationale
Et d’autres panneaux moins drôles…
Arrivé à Pô, je bifurque pour aller voir la cour royale de Tiébélé.
Mais il faut la mériter…
Des panneaux originaux
« Quand il pleut on ferme la barrière pour éviter que les camions gâtent la voie »
Tiébélé, village qui regroupe une soixantaine de hameaux, habité par l’ethnie Kassana, qui serait venue du Tchad au XIVème siècle.
L’architecture de la cour royale a été préservée depuis le XVIème siècle.
Ce sont les femmes qui, de mère en fille, se transmettent la symbolique propre à cette ethnie animiste.
La cour d‘honneur du chef, notamment
Les murs sont d’abord polis, puis enduits d’un mélange de bouse de vache et de latérite
Le basalte est utilisé pour le noir et le kaolin pour le blanc.
Chaque figure a une signification.
Le cache sexe pour les hommes
Le boa, symbole de la femme. La plupart de ces familles en garde un chez elles et une fois par an, elles le sortent pour la fête du boa, à qui elles font des offrandes.
La tortue, porte-bonheur des enfants qui sont nés dans la cour du chef
Le lézard, symbole des architectes…
Le tambour, qui sert à faire passer les messages du chef
La canne, pour rappeler aux jeunes qu’ils doivent veiller sur leur père
Le bouclier, pour se protéger des ennemis
Et enfin le dieu Faa, dieu des récoltes.
Le chef n’a pas le droit de boire à l’extérieur du village. On lui prépare donc sa boisson, à base de mil fermenté, sur place dans cette brasserie.
Les cases sont astucieusement aménagées. Remarquez le muret à l’intérieur, pour éviter que l’ennemi puisse tirer des flèches. « Il est obligé de passer la tête, et là, on peut le décapiter facilement »
L’intérieur est tout aussi surprenant
Sous les calebasses, on pile le mil
Et on garde soigneusement les provisions
L’autel des sacrifices est constitué de tambours. Remarquez sur le dernier tambour le sang séché du poulet sacrifié le matin même :
Le grenier à mil
En 2019, cela donne une impression irréelle.
Oui l’ethnie Kassana vit comme cela aujourd’hui.
C’est Arnaud, véritable puits de science, qui m’a donné toutes ces informations.
Il est devant le tumulus sacré.
La quasi-totalité des cases est habitée
Tiébélé…
Depuis Tiébélé, deux solutions : passer par le Ghana, payer 150 $ et être en sécurité ou rejoindre Bittou, là où un prêtre Espagnol et 4 douaniers se sont fait assassiner récemment.
Si j’étais djihadiste, je ne recommencerais pas deux fois au même endroit. Mais je ne suis pas djihadiste et ce n’est qu’un raisonnement purement intellectuel, j’en conviens.
Néanmoins je tente. Je me dis qu’il faut arriver à 17 heures au maximum.
Je demande mon chemin à un barrage militaire. J’arrive un peu vite… et je me retrouve mis en joue par un militaire, kalachnikov à la main et doigt sur la gâchette. Je n’en mène pas large.
Ils sont sur les dents et ça se sent. 10 minutes de palabres seront nécessaires. Fouille du véhicule, contrôle des papiers, j’ai droit à la totale. Le chef me dit que c’est de ma faute, que je leur ai fait peur. Il a raison.
Je passe par des pistes, cahoteuses, cahotantes, chaotiques… dans un paysage semi désertique
J’ai été obligé de faire un détour, il fallait traverser un fleuve. On me propose une pirogue.
J’accepte mais je leur demande un pirogue pour la voiture. Ils en rigolent encore !
Mais le fleuve a des bons côtés
J’arrive enfin sur la fameuse nationale 6, classée en zone rouge par le Quai d’Orsay.
Honnêtement, je suis dans mes petits souliers.
Pour me détendre, je fais la causette avec des ouvriers qui chargent le coton (on est en pleine récolte)
Ils le foulent au pied pour le compacter
Par 35 à l’ombre
Aiguillonnés par le chef, avec des lunettes de frimeur !
Mais leur gentillesse me permet de prendre des photos (et quelques stylos aussi)
C’est beau, le coton !
Je ne suis pas mécontent de voir ce panneau. Il est 16h59 et je suis intact !!
Formalités expédiées en 58 minutes pour les deux douanes réunies dans un même bâtiment. Intelligent, non ?
Cela s’est fait sous l’égide de l’UMOA (Union Monétaire de l’Afrique de l’Ouest).
Je me fais donc ponctionner 2000 Francs CFA pour financer cette idée. Malin, non ?
J’arrive à Dapaong vidé : poussière + piste + stress = une bonne nuit !