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Au Cameroun, on n’appelle jamais certaines femmes par leur prénom.
S’adressant à elles, les gens leur disent « Maman » ou Mafeu
Pourquoi ? J’ai eu la chance d’en rencontrer plusieurs.
Je leur laisse la parole
« Les Bamiléké sont organisés en chefferies (on prononce « cheufferies »)
Rien à voir avec les maires qui sont élus et dont la circonscription est l’arrondissement.
Un arrondissement regroupe plusieurs villages.
Les 2 pouvoirs coexistent sans se mélanger, chacun a ses prérogatives.
Les deux sont rémunérés par l’Etat Camerounais.
A la tête d’un village (une chefferie) un chef (on prononce « cheuf »)
Comment devient-on chef ?
A la mort de celui-ci, les notables se réunissent et désignent lequel de ses enfants va lui succéder.
Pas obligatoirement l’aîné, mais celui qui sera le plus à même de rassembler. En tenant compte des préférences du chef lors de son vivant.
L’élu désigné est initié pendant 9 semaines par les notables, en secret.
Le nouveau chef devient le « mari » de toutes les femmes (sauf de sa mère)
Cela ne veut pas dire qu’elles sont sa propriété, c’est avant tout un devoir pour lui de protéger toutes « ses » femmes.
La polygamie est très répandue dans les chefferies.
Il n’existe d’ailleurs pas de chef monogame.
Quand vous vous mariez au Cameroun devant le Maire, celui-ci vous demande « Sous quel régime, monogamie ou polygamie ? »
Certains hommes qui n’ont pas averti leur promise (c’est rare) voient celle-ci s’enfuir de la mairie ! »
Un Camerounais m’a dit ce matin « Quand je me marierai, ce sera sous le régime de la polygamie, cela l’obligera à faire des efforts ! » Serveur dans un grand hôtel.
« Pour la petite histoire, quand arrive la seconde femme, celle-ci a tendance à « se la péter » et est en général assez mal vue de la 1ère car, dans un 1er temps, elle peut essayer de l’éclipser. Cela n’a qu’un temps.
Lorsque la troisième fait son apparition, la 1ère jubile car cela cloue le bec à la 2ème.
Et très souvent la 1ère et la troisième s’entendent bien.
Alors que la venue de la quatrième fait plaisir à la 2ème. Subtil, non ?
Pour comprendre, il faut faire abstraction du sentiment d’appartenance très occidental. Le chef n’appartient pas à une femme. Mais elles lui appartiennent.
Comment cela se passe-t-il ?
C’est en fonction de la capacité du chef à gérer son monde. C’est un peu comme dans une entreprise, le PDG doit veiller à ce que le DRH, le DAF… s’entendent bien avec les directions technique, commerciale…
Très souvent, ce sont ses épouses qui, symboliquement, vont accueillir une femme convoitée par le chef.
La 1ère épouse a le titre de reine-mère.
On peut obtenir la distinction de Reine-Mère (Mafeu ou Mafo) parce qu’on est proche parent d’un notable de la chefferie.
A signaler que les mots «neveu, nièce ») n’existent pas en Bamiléké. La tante dira de ses neveux « Ce sont mes enfants ». Et inversement, tu ne dis pas « tata » à ta tante, mais « maman ».
La Mafeu siège avec les notables.
Elle est habillée du Ndop, le tissu de notabilité. »
Ce ne sont pas des pratiques de « sauvages »
Comme on le croit trop souvent.
La société est très strictement organisée. On n’adresse jamais la parole au chef en premier, sinon on écope d’une amende. On ne s’approche pas de lui à moins d’une certaine distance…
Un chef Bamiléké s’est rendu à Paris il y a quelque temps. 200 personnes de la diaspora Bamiléké étaient à Roissy pour l’accueillir.
C’est le colonisateur qui a importé ses maires, ses préfets, ses départements, son organisation occidentale… et qui, au nom d’une religion elle aussi importée, a déclaré qu’il fallait être monogame et qu’une famille se résumait aux deux parents et aux enfants biologiques. Quitte à laisser tomber les autres de la famille dans le besoin.
Un Camerounais a déclaré il y a quelques années à la télévision « Vu du Cameroun, on se dit qu’en France aussi la polygamie existe. Regardez Hollande, Mitterrand, Giscard, Chirac…»
Et si vous n’avez rien compris, rassurez-vous !!!
Tous les Camerounais vous le diront :
« Si on t’explique le Cameroun et que tu as compris,
c’est qu’on t’a mal expliqué ! »
P.S. Mes interlocutrices n’ont pas voulu que je les prenne en photo. A mon grand regret.
Elles ont corrigé ce récit après lecture. Un peu de regret aussi quand même. Certains détails pittoresques eussent pu avoir leur place, mais bon, ce que Mafeu veut…