Avant de descendre, j’ai admiré la vue
La réalité, c’est que les sénoufos, armés par les allemands, pratiquaient l’esclavagisme pour leurs maîtres (le Togo a été une colonie allemande jusqu’en 1914)
C’est Laré qui me fait faire la visite. Il est animiste, de l’ethnie Moba.
Eh oui, ça descend dur !
Il descend face contre la paroi car il a le vertige.
Entre 70 et 100 personnes ont vécu ici aux XVIII et XIXème siècles.
Les grottes sont situées contre une falaise, orientées au Nord, cachées par la végétation, toujours à l’ombre avec un à-pic de 230 mètres. Lorsque l’ennemi arrivait sur le plateau, avec ses chevaux et ses fusils Mauser, la population s’accrochait aux lianes et descendait comme le montre Laré.
Jamais personne ne les a trouvés !
Les grottes recèlent 134 greniers à mil. Ceux-ci sont fait d’argile mélangé à la paille.
Ou d’argile et de pierres
Certaines sont compartimentées
Il y a l’espace pour les femmes. Voici l’entrée
On voit distinctement les traces du feu qu’elles faisaient la nuit tombée
« Les femmes et les enfants étaient protégés par Lentelik, une divinité, c’est pour ça que personne ne les a trouvés »
On accède à l’espace des hommes par un couloir
(À condition de marcher à quatre pattes)
Et on arrive à l’espace des hommes
Jouxtant cet endroit, le trésor du chef en monnaie sonnante et trébuchante, les cauris
Désolé, la photo est floue mais nous étions émus d’avoir retrouvé un coquillage de l’époque, un cauri. Nous l’avons remis là où nous l’avions trouvé…
A propos de chef, voici son trône
C’est là que se déroulaient les cérémonies d’initiation des jeunes guerriers pour avoir le droit de tirer des flèches empoisonnées (décoction à base de tête de crapaud, de bile de crocodile et de venin de serpent)
A mon humble avis, le venin aurait suffi. Mais je ne suis pas expert.
Voici un carquois
Lorsqu’ils revenaient du combat, les guerriers rangeaient soigneusement leurs flèches empoisonnées et rebouchaient les trous avec de l’argile
Il y avait une pierre plate sur laquelle on pilait le mil
Pour boire, une source qui ne se tarissait jamais.
Cela fait quatre semaines qu’elle ne coule plus et Laré se demande si c’est dû au réchauffement climatique ou aux dieux qui sont fâchés. Je lui ai avoué mon ignorance.
Pour purifier l’eau, ils utilisaient un cactus
Ils coupaient les bourgeons et laissait s’écouler la sève qui, paraît-il, rendait l’eau potable
Au dehors un poulailler
Il y avait même l’école où les enfants apprenaient à compter à l’aide des cavités naturelles de l’endroit
Pour se soigner ils avaient recours à l’aloe vera sauvage…
C’est à ce moment, qu’interrogeant Laré j’ai mesuré la pauvreté extrême de son village
Bon, il faut remonter !
Et là, surprise !
Nous voilà allongés sur la latérite Laré et moi pour mettre en place le cric. Dans une bonne humeur et devant les gosses du village qui sont venus assister au spectacle (merci les stylos)
« C’est bizarre que Sensein (une autre divinité) ne nous ait pas protégés »
Cela se termine par un endroit qui a été construit par une association Française. C’est là que Mikabini conclut la visite
En rentrant à Dapaong, je suis arrêté à un barrage de police par un caporal-chef de l’armée Togolaise, 50 ans bien tassés qui ne semble pas avoir été parmi les premiers de sa promotion. Je sens qu’il veut de l’argent
- Tu viens d’où ?
- Des grottes de Nok (Il a du mal à comprendre, je dois répéter plusieurs fois) Tout à coup je vois qu’il vient d’avoir une idée :
- T’es obligé d’avoir un guide
- J’avais un guide
- Il faut un guide assermenté
- Il était assermenté
- (Déçu, il cherche autre chose) Montre tes papiers
- Lesquels ? Et je cite pêle-mêle ma carte Vitale, mon permis bateau, la carte Fnac, la carte d’abonnement de la jardinerie de Saint Hilaire…
- (Lassé) Celui que tu veux
- Tiens, mon passeport (Je me dis qu’il ne faut pas pousser le bouchon trop loin)
- (Il l’ouvre au hasard et tombe sur un tampon du Monténégro) C’est pas le bon visa
- Je lui mets le visa du Togo sous le nez en me mordant les lèvres pour ne pas rire.
- (Fatigué mais gardant mon passeport) Bon, j’ai soif.
- …
- Donne-moi quelque chose pour que j’achète de l’eau
- (Je lui tends un stylo)
- (Faussement naïf, les yeux plissés) Tu crois qu’on peut boire avec un stylo ?
- Ecoute j’ai jamais essayé mais ça se tente
- (Il éclate de rire et me rend mon passeport) Toi, t’es un malin !
Je viens de relire le paragraphe avec le caporal. C’est la transcription mot pour mot de notre dialogue. Aucune exagération. Je sais, c’est un autre monde. C’est l’Afrique…